L’USINE NOUVELLE 23 novembre 2023 Malgré 15 millions d’euros d’aides, Recipharm ferme un site de vaccins anti-covid en Touraine

, par udfo37

Le groupe suédois Recipharm va fermer son laboratoire de Monts (Indre et Loire) où 222 emplois sont menacés. A la recherche d’un repreneur, l’entreprise justifie sa décision par la baisse des commandes de vaccins anti-Covid et des problèmes de qualité. L’Etat demande le remboursement de 15 millions d’euros d’aides publiques.

Recipharm fermera son site de Monts en 2025, 220 salariés sur la sellette.

Spécialisé dans le remplissage et le conditionnement de produits injectables, le site tourangeau du groupe suédois Recipharm (1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, 9 000 salariés) va cesser ses activités mi-2025. Implanté à Monts (Indre-et-Loire), il se donne 8 mois pour trouver un repreneur, « allongeant de plusieurs mois le délai légal prévu par la loi Florange » précise la porte-parole de l’entreprise. L’annonce a été faite le 21 novembre aux 222 salariés du site. « Après deux années d’efforts intensifs dédiés à l’amélioration de la qualité et de la durabilité de notre site, Recipharm a conclu que les importantes initiatives entreprises n’ont pas produit les résultats escomptés et ne garantissent pas une viabilité économique suffisante pour le site », a indiqué l’entreprise.

Pour rappel, le site tourangeau du groupe Recipharm s’était vu confier la production de vaccins anti-Covid mRNA-1273 en 2021 par la biotech Moderna Pharmaceutics. Via Bpifrance, l’Etat avait accompagné les investissements du laboratoire suédois dans le cadre du plan France Relance. Entre 2021 et 2022, Recipharm Monts a produit 70 millions de dose de vaccins pour toute l’Europe. Une centaine de personnes avaient alors été recrutées.

L’Etat demande le remboursement des 15 millions d’euros France Relance

La ministre de l’Industrie de l’époque, Agnès-Pannier-Runacher, venue sur le site assister au démarrage d’une des nouvelles lignes de production du vaccin, avait annoncé débloquer 35 millions d’euros d’aides. Au total, 15 millions d’euros ont déjà été versés et l’Etat, par la voix du cabinet du ministre délégué chargé de l’Industrie Roland Lescure, a confirmé 22 novembre l’annonce du député d’Indre-et-Loire Henri Alfandari : « 15 millions d’euros dans le cadre du plan France Relance ont été attribués, et on va simplement exiger le remboursement de ces sommes à l’exact (…). Il est hors de question de décrédibiliser l’action publique », a-t-il précisé à nos confrères de France Bleu.

Après la crise sanitaire, le recul des commandes avait déjà conduit à un premier plan de départs volontaires de 95 personnes en avril dernier. Le chiffre d’affaires, en baisse d’environ 25%, justifie la décision du façonnier, ainsi que « des résultats en termes de normes de qualité qui ne sont pas à la hauteur des attentes du groupe. Les arrêts de production nécessaires pour assurer une fabrication conforme demeurent trop fréquents ». Contactée, la représentante du groupe, qui estime à 18 millions d’euros les pertes nettes encourues en cas de poursuite des activités, note des « difficultés à trouver de nouveaux clients. Et nous continuons à travailler avec l’ANSM afin de remédier aux injonctions publiées depuis un an ». La priorité pour le groupe « est de trouver un repreneur. Nous déployons tous nos efforts en ce sens ». Un directeur général de transition, Bruno Vennetier, a été nommé pour assurer le pilotage de l’entreprise pendant les 18 mois précédant l’arrêt de l’activité, prévu au 2e trimestre 2025.

Des choix de stratégie et d’équipements inadaptés en question

En interne, une fois le choc de l’annonce passé, « l’heure est à la résistance et au refus pour maintenir le site, la production et tous les emplois », précisent les représentants FO. « C’est un gâchis monumental. Les salariés sont restés parce qu’ils y croyaient. La fin est brutale. On était 360 et maintenant ce sont 225 postes qui vont être supprimés. Les salariés actuels sont formés pour cette production pharmaceutique dont nous avons besoin en Europe et en France. Après les plans sociaux Michelin, Tupperware (…) aucune nouvelle implantation industrielle n’est venue remplacer les usines et le taux d’emploi industriel a chuté à 16% en Indre-et-Loire » alerte le représentant FO.

Les choix de pilotage et des équipements inadaptés sont pointés du doigt en interne, notamment pour construire la nouvelle ligne de production dédiée à Moderna. L’acquisition d’une machine de remplissage à haute cadence chinoise non dotée d’un certificat CE n’aurait pas permis de produire le surplus des volumes de vaccins attendu. Alors que 100 salariés avaient été recrutés à cet effet, elle n’aurait pu être mise entièrement en production.

L’intervention de nombreux consultants pour une somme avoisinant 4 millions d’euros est également évoquée. « Et nos clients historiques ont aussi été délaissés », regrette FO. Or, sur les 4 lignes de production opérationnelles de l’usine, de nouveaux débouchés auraient pu être trouvés selon d’autres sources internes, notamment pour produire des flacons en unidose aseptique. Enfin, FO rappelle l’incessant turn-over à la barre, où près de dix directeurs généraux se sont succédé en trois ans.

Elise PIERRE