70 ans de la sécurité sociale Contribution des représentants FO à la CPAM 37

, par greg

retrouvez ici la contribution qui sera annexée au PV de la réunion du Conseil de la CPAM 37 concernant les 70 ans de la Sécurité Sociale

Contribution historique, sociale et militante des représentants de la CGT-FORCE OUVRIERE au Conseil de la CPAM 37, Dans le cadre des 70 ans de la Sécurité Sociale

Selon le « ROBERT » la commémoration, c’est une cérémonie destinée à rappeler un souvenir. En religion, la commémoration c’est une cérémonie qui célèbre les morts. Non la sécurité sociale de 1945 n’est pas morte. Elle continue de vivre dans le cœur des militants de la vielle CGT qui en ont été les maitres d’œuvre et du mouvement ouvrier. Alors, et puisque cette vieille dame est encore debout, malgré tous les mauvais coups que lui ont portés organisations patronales et gouvernements , nous voulons dire ici, que nous sommes d’accord avec l’actuel ministre de la santé, qui déclare, le 6 octobre 2015, dans un discours dont le titre est : « Ouverture des 70 ans de la Sécurité sociale » que la « Création de la CSG, de l’ONDAM, des lois de financement de la sécurité sociale, des conventions d’objectifs et de gestion … Beaucoup a été entrepris pour adapter les recettes, à l’évolution de la sécurité sociale et améliorer son pilotage financier ».

C’est vrai, beaucoup a été entrepris au niveau de la perception des recettes, puisque, de plus en plus, l’impôt est venu suppléer les colossales exonérations sans contrepartie de cotisations sociales consenties aux entreprises. Ajoutons sans commentaire, que l’état, le plus souvent, ne compense pas en totalité les exonérations qu’il accorde.

Fort de ce constat, la CGT-FO a régulièrement déclaré à ce sujet : « la Sécu n’est pas malade de ses dépenses mais de ses recettes ».

La Sécurité Sociale, est née dans les cerveaux des militants ouvriers de la vieille CGT eux qui avaient dû, en l’absence d’un système de protection sociale, se forger leurs propres sociétés de secours mutuels. A ce sujet à la CGT-FO nous citons souvent l’exemple du préambule de la société mutuelle des ouvriers gantiers, parce que son esprit préfigure celui de la Sécurité Sociale. La Sécurité Sociale est la plus grande conquête du mouvement ouvrier en France.

Dès 1943, la CGT clandestine avait élaboré un plan d’ensemble de la sécurité sociale. Il prévoyait la couverture de l’ensemble des risques des travailleurs par un système unique et la gestion intégrale de l’institution par les seuls assurés sociaux. Ce plan, fut soumis à l’assemblée consultative d’Alger qui le repoussa fin 1943. En mars 1943, paraissait le programme du CNR. Quelques feuillets dactylographiés séparés en deux chapitres intitulés « les jours heureux ». C’est dans le second chapitre de ce programme intitulé « mesures à appliquer dès la libération du territoire » qu’il est fait référence à la Sécurité Sociale ; il y est écrit brièvement et nous citons in extenso :

 un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;

Fort de la publication du programme du CNR, la vieille CGT représentera un plan détaillé de la sécurité sociale à l’automne 1944 au générale De Gaulle, Président du gouvernement provisoire de la République Français qui le refusa au nom de l’intérêt national.

Sur quoi c’était donc basé les militants de la vieille CGT pour imaginer la Sécurité Sociale ?

Sur les modèles des sociétés de secours mutuels qu’ils avaient jadis constitués. En bon syndicalistes, ils avaient regroupé, synthétisé et articulé les meilleures garanties des dispositifs existants dans leurs meilleures sociétés de secours mutuels.

Mais que prévoyait le plan de Sécurité sociale de la vieille CGT :

 Gratuité complète des soins médicaux.
 La gestion de la Sécurité Sociale par les seuls représentants des salariés.
 La gestion de tous les risques par une caisse unique santé maladie vieillesse.
 Le financement par les cotisations calculées sur les salaires, c’est-à-dire la création du fameux salaire différé.

Les ordonnances de 1945 ne reprendront que partiellement ce plan. L’alliance tripartite au sein de l’Assemblée Consultative rejettera l’organisation et la gestion par les seuls représentants des salariés et imaginera à la place de la gratuité des soins la création du ticket modérateur.

Mais ça bouge dans la rue au sortir de la guerre et une ordonnance en date 4 Octobre 1945 fonde l’existence de la Sécurité Sociale : C’est un système obligatoire fondé sur des cotisations patronales et ouvrières couvrant l’ensemble des risques. Une organisation unique avec une caisse unique pour l’ensemble des risques.

Cette organisation incarne encore l’unité des droits de la classe ouvrière face au patronat et au gouvernement de tous poils. Ajoutons, pour la petite histoire, que la matérialisation rapide de la sécurité sociale au sortir de la guerre s’appuya sur les fusions de nombres de sociétés de secours mutuels créées par les militants ouvriers. C’est en grande partie grâce à ce réseau organisationnel ouvrier que si vite et sur tout le territoire national, la sécurité sociale fut mise en place.

On peut l’écrire avec grand soulagement : Après plus d’un siècle de lutte de classes, il y a constitution d’un droit imprescriptible pour les travailleurs, un droit garanti par une institution unique : la Sécurité Sociale !

Cette conquête « socialiste » demeurera inacceptable pour le patronat comme pour tous les gouvernements de la cinquième république. Ainsi dès 1959, Le premier ministre de De gaulle Michel Debré tente d’instituer des franchises sur les remboursements. Il déclare « les petits risques peuvent-être supportés par les familles sans grand inconvénient. » Cela ne vous rappelle pas quelques discours récents au sujet de la branche famille et autres ?

1967 : quatre ordonnances De Gaulle veulent réformer globalement la Sécurité Sociale, en donnant à l’Etat un pouvoir de gestion par l’intermédiaire de la création de trois caisses nationales. Il « se serait agi » d’assurer la séparation financière des risques. En fait, il s’agit d’obliger chaque branche à l’équilibre financier. Les Organisations Syndicales participant à la gestion de ces branches, étant censées prendre les mesures de diminution de prestations pour parvenir à l’équilibre. Bien que ratifiées en juin 1968, ces ordonnances ont été frappées à mort par la grève générale : le ticket modérateur d’ordre public (tient encore lui) a été supprimé et le projet d’une complète autonomisation des branches est bloqué.

La sécurité sociale reste la sécurité sociale.

Trente ans plus tard, le premier ministre Alain Juppé veut mettre en œuvre un vaste de plan d’ensemble contre l’institution de la Sécurité Sociale. C’est d’abord la création de la loi de financement de la Sécu qui prévoit que son budget devrait être soumis au parlement. Il s’agit de fixer à la Sécu un cadre budgétaire à ne pas dépasser. Concrètement c’est la mise en place des enveloppes financières fermées avec l’ONDAM, des ARH cheval de Troie étatique, de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) à hauteur de 0,5% des salaires et des indemnités de retraite alors que déjà les employeurs devaient de l’argent à la sécu. Jusqu’à l’avènement du plan Juppé ; il était inconcevable de fixer un montant des dépenses de la Sécurité Sociale à ne pas dépasser, ne serait-ce que par l’impossibilité de prévoir ce que seront les véritables besoins en soins des assurés sociaux.

Le plan Juppé c’était aussi la remise en questions des régimes spéciaux (cheminots, gaziers etc.) A ce sujet, rappelons encore parce que ce n’est pas anecdotique, que les militants de la vielle CGT s’étaient inspirés du fonctionnement et des garanties de la société de secours mutuel des chemins de fer français pour établir le plan de la Sécurité Sociale. Mais comme pour le Gouvernement de l’époque, la gratuité complète des soins comme la gestion par les seuls assurés sociaux est inenvisageable. On concède alors à la vieille CGT l’existence de régimes spéciaux édifiés sur la base de leurs anciennes garanties de caisses en les intégrant dans la Sécurité Sociale. On promet, dès l’amélioration de la situation économique, l’alignement des prestations de la sécu sur les régimes spéciaux les plus avantageux … Mais en 1995 lorsqu’il est question des régimes spéciaux le gouvernement en évoque « les privilèges » … Il est vrai qu’il était question de mettre tous les assurés sociaux sur le même plan, celui du moins disant social.

Le 28 novembre 1995 le Comité Confédéral National de la CGT FO appelle à la grève interprofessionnelle contre le plan Juppé. Les cheminots de la CGT se mettent aussi en grève, reconductible celle-là, suivis des gaziers électriciens, de la RATP, furieux qu’on puisse remettre en question leurs régimes. C’est la déferlante : 1 million dans la rue le 2 décembre ; 1,5 millions le 9 décembre ; 2,3 millions le 12 ; contre les enveloppes fermés, contre l’Ondam, contre la mise à bas des régimes spéciaux derrière les banderoles pour la défense de la Sécurité Sociale scandant tous ensemble « la sécu elle est à nous on s’est battu pour la gagner on se battra pour la garder » !

Habilement le gouvernement reculera sur les régimes spéciaux mais maintiendra le train de réformes structurelles de la Sécurité Sociale avec les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS),la mainmise de l’état par l’intermédiaire de la représentation nationale à l’établissement du budget de la Sécurité sociale et de la Loi organique précisant le contenu des LFSS (vote des prévisions de recettes, des objectifs de dépenses par branche et de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Aujourd’hui, nous en sommes toujours là ! Il faut dire que le traité de Maastricht entré officiellement en vigueur en 1993, obligeait et oblige encore les gouvernements à ce que le budget de la sécurité sociale, bien qu’il soit financé par les cotisations sociales, doive participer de la réduction des dépenses publiques et donc entrer dans le calcul des déficits publics. On comprend ainsi mieux les préoccupations faussement attentionnées des différents gouvernements au sujet du « déficit de la Sécu ». (La responsabilité du parlement est en la matière pleine et entière).

C’est ce mélange des genres qui conduit inéluctablement vers toujours plus d’étatisation de la sécurité sociale. Ainsi, ARH, ARS et ONDAM sont les outils forgés pour son étatisation.

C’est ainsi que le 12 octobre lors du conseil de la CPAM nous avons été « empêchés » de lire en son entier notre déclaration au sujet des 70 ans de la sécurité sociale au motif que nous étions hors sujet parce que nous évoquions un ONDAM historiquement bas et le PLFSS 2016. Pourtant notre organisation n’a pas attendu l’année 2015 pour faire valoir son point de vue au sujet des lois de finances de la Sécurité Sociale, de l’ONDAM, des ARS etc. Il y a bien un lien direct à établir.

A la CGT-FO nous nous sommes opposés au plan Juppé. En son temps un Secrétaire Général de notre Confédération avait même déclaré « la sécu vaut bien une grève générale » !

Aussi, nous ne voudrions pas que l’hommage que nous rendons bien volontiers en notre nom à la vieille dame soit prétexte à l’exaltation d’un profond malentendu.

Nous ne sommes d’accord ni avec le patronat qui réclame perpétuellement l’exonération de ses cotisations sociales ni avec le gouvernement qui prépare via les ARS qui succèdent aux ARH dans le cadre de la loi santé Touraine le détournement de fonds de nos cotisations sociales, de notre salaire différé, ni avec ceux qui prétendent aujourd’hui vouloir inventer de nouvelles solidarités en reniant des droits collectifs au profit de droits individualisés. La Sécu a permis de jouer un rôle émancipateur pour la classe ouvrière en donnant des droits aux salariés et en les retirant des griffes de la charité institutionnalisée, elle permit à la France d’avoir l’un des meilleurs systèmes de soins et de médecine pendant des années, c’est cette organisation particulière qui donne leur pleine valeur aux principes de notre République qui se veut sociale d’après la constitution. C’est pourquoi nous avons déclaré le 12 octobre au conseil de la CPAM : « Les propos des représentants du gouvernement au sujet de l’amélioration des comptes de la sécurité sociale sont axés sur des objectifs qui poursuivent la remise en cause, l’organisation de la sécurité sociale. Il suffit de parcourir le sommaire du dossier de presse concernant le PLFSS 2016 signé par les ministres du budget et de la santé pour immédiatement comprendre de quoi il s’agit. Un vaste plan d’économie pour réduire le déficit budgétaire avec 50 milliards d’euros de diminution des dépenses publiques et sociales… Or, la sécurité sociale n’est pas là pour financer la politique économique menée par ce gouvernement qui plus est lorsque toutes les exonérations consenties ne sont même pas toutes compensées » Au sujet du projet de loi santé Touraine concernant les ARS nous avons déclaré : « Pour notre part, à Force ouvrière, nous voulons déclarer encore ici que le projet de loi TOURAINE « santé » s’inscrit dans la poursuite et l’amplification d’une politique annoncée de restriction et d’austérité budgétaire qui devrait encore aggraver la dégradation des conditions de travail des salariés du secteur hospitalier. De fait, nous considérons que le plan « Groupements hospitaliers de Territoires » issu du projet de loi « santé » Touraine n’est qu’un vaste plan de restructuration de type industriel du secteur sanitaire et social. Nous ne pouvons que condamner ici, dès maintenant, les conséquences que pourraient avoir ces restructurations, en particulier sur les conditions de travail de salariés opérant en milieu hospitalier.

Les représentant FO de la CPAM d’Indre et Loire savent que partout où sévissent les dégradations des conditions de travail, l’exercice des missions de services publics sont altérés. En conséquence ce sont les assurés sociaux qui eux ne sont pas exonérés de cotisations sociales, qui devraient subir dans leur chair les orientations d’une politique assise sur une logique uniquement comptable. » Pour faire la fête à la sécu la loi santé Touraine c’est

Retirer à la Sécurité Sociale sa responsabilité dans la gestion du risque pour la transférer aux Agences régionales de santé émanations de l’Etat dont les caisses de Sécurité Sociale deviendraient la courroie de transmission. Confier au gouvernement (au lieu de la Sécurité sociale) le pilotage des négociations sur les tarifs des médecins. "Territorialiser la politique conventionnelle" selon les propres termes du projet pour permettre une "déclinaison régionale". C’en serait fini de l’égalité des assurés au plan national. Ouvrir la voie aux "objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie". En bref, et pour éviter toute exaltation de malentendu, nous déclarons que nous voulons bien célébrer les 70 ans de la Sécurité Sociale mais pas faire la fête avec ceux qui veulent faire la fête à la Sécu !


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contribution FO 70 ans de la Sécu